conscience vraie

Le langage et la manipulation de l'être

La parole et la conscience manipulées

La parole manipulée

"Le langage est la maison de l'être"
Heidegger

"Le langage est une partie de la totalité humaine, mais la totalité humaine fait partie du langage"
Edgar Morin - L'identité humaine La méthode n°5 / l'humanité de l'humanité

d'autres citations sur le la parole >>>

Sommaire

La démarche

Le langage et sa perversion

Langage faux, tactique de manipulation

Le déni

Quels sont les objectifs de ces pratiques ?

D'où viennent ces méthodes ?

Manipulation individuelle et globale

La force de la conscience

La démarche

Le but de ce dossier est d'attirer l'attention sur l'importance de la parole, d'une parole saine, vraie, en démontrant le contenu manipulateur de certaines pratiques actuelles de communication, qui portent atteinte à l'intégrité de l'individu, à l'intégrité de la société et à celle de l'humanité.

Le présent texte est volontairement synthétique, bien que le sujet mériterait assurément une thèse, voire plusieurs, vu la profondeur et l'étendue de ses tenants et aboutissants. Je cherche seulement ici à dégager des lignes essentielles du sujet, et notamment celles qui ne sont pas ou insuffisamment traitées ailleurs.

Le langage et sa perversion

Le langage est plus qu'un moyen d'expression, il permet de faire fonctionner le mécanisme complexe "révélateur" et constructeur de l'être. Ce mot "être" renvoie aussi bien à la psyché, au moi (ce qui adapte l'organisme à la réalité), à la personnalité, en intégrant le conscient et l'inconscient. C'est la parole qui structure la pensée et la conscience.

Voici ce que Saussure affirmait de la relation de la parole à la pensée, dans son Cours de Linguistique Générale :

"Psychologiquement, abstraction faite de son expression par les mots, notre pensée n'est qu'une masse amorphe et indistincte. Philosophes et linguistes se sont toujours accordés à reconnaître que, sans le secours des signes, nous serions incapables de distinguer deux idées d'une façon claire et constante. Prise en elle-même, la pensée est comme une nébuleuse où rien n'est nécessairement délimité. Il n'y a pas d'idées préétablies, et rien n'est distinct avant l'apparition de la langue".

... et d'autres extraits que j'ai sélectionnés de Merleau-Ponty dans son livre Phénoménologie de la Perception :

"Si la parole présupposait la pensée, si parler c'était d'abord se joindre à l'objet par une intention de connaissance ou par une représentation, on ne comprendrait pas pourquoi la pensée tend vers l'expression comme vers son achèvement . Pourquoi le sujet pensant lui même est dans une sorte d'ignorance de ses pensées tant qu'il ne les a pas formulées. comme le montre l'exemple de tant d'écrivains qui commencent un livre sans savoir au juste ce qu'ils y mettront. (...) La dénomination des objets ne vient pas après la reconnaissance, elle est la reconnaissance même.(...) Le problème ne peut être résolu que si il est déterminé, c'est-à-dire si le recoupement des données assigne à l'inconnue une ou plusieurs valeurs définies."

Rappelons que, dans ce contexte, la signification de "parole" est "l'expression verbale de la pensée" (cf. Petit Robert). Cela semble évident, mais nous en sommes loin et nous ne pouvons que constater à quel point nous nous en éloignons de plus en plus. Car, dans les pratiques manipulatrices dont nous parlons, cette parole n'a plus rien à voir avec l'expression de la pensée. La parole est instrumentalisée dans un but utilitariste sur plusieurs degrés.

C'est à dire qu'avec une macro-vision nous repérons nettement des scénarii "d'arroseurs arrosés" eux-même partie constituante d'un processus global de conditionnement. Une grande partie de la masse participe ainsi au conditionnement de chacun.

Tout d'abord il est nécessaire de délimiter le champ d'investigation. En effet il existe de multiples situations, contextes, et intentions relatives à la verbalisation. Je ne traite pas dans ce texte de tous les aléas relatifs à l'expression orale ou à ses pathologies.

Je ne m'attarde pas non plus sur le cas de la pratique orale du pervers-narcissique, qui est pathologique ; ni de celle des personnes qui utilisent la manipulation de façon ponctuelle et individualisée. Cependant, le développement caractérisé de ces modes de communication est en rapport direct avec le phénomène que je décris et qui est organisé.

Langage faux, tactique de manipulation

Je traite ici de la pratique d'un langage faux construit délibérément selon des formats pervers, voire de la création et de la diffusion d'un néo-langage dont certains réseaux sont spécialistes. Celui-ci inclut notamment :

. le double-langage

. les injonctions paradoxales

. l'utilisation abusive, ambiguë et presque systématisée de l'antiphrase (qui consiste à affirmer une chose en disant son contraire)

Ces pratiques sont articulées sur des niveaux de langage différents, verbal et non verbal.

Nous pouvons d'ores et déjà constater que tous les éléments précités sont tous doubles, je dirais même, à double-entrée. C'est-à-dire que la personne qui reçoit l'information doit opérer mentalement une scission pour recevoir l'intégralité du message ; elle se met dans un état dichotomique. Cela se produit inconsciemment et entraîne donc un état schizophrénique. Le mot "schizophrénie" signifie étymologiquement "division". ("schizo-" : du Grec skhizein : "fendre", "séparer", "partager", "diviser").

En psychologie on parle de clivage du moi et on définit le double-bind (injonctions paradoxales) comme étant "le modèle relationnel d'interaction schizophrénique" (sic). Il est nécessaire de rappeler que la schizophrénie est une pathologie qui revêt de multiples nuances et de multiples niveaux de gravité. Sous cette forme elle est quasiment imperceptible et en est d'autant pernicieuse.

Revenons un peu sur les différentes tactiques précitées :

L'antiphrase

L'antiphrase consiste à affirmer une chose en disant son contraire. C'est en principe une figure de rhétorique assez classique, utilisant l'ironie ou l'euphémisme, qui ne contient pas d'ambiguïté car l'affirmation touche à quelque chose d'évident. ex. : "quel courage !" pour un comportement de lâcheté. Dans ce cas, cet usage est anodin. Dans l'utilisation perverse qui en est faite, elle est associée à d'autres messages (souvent non-verbaux) créant une insidiosité et systématisée à la façon de la "langue de bois", en véhiculant simultanément la provocation, la dissimulation ou la simulation, le déni.

Le double langage

Nous ne parlons évidemment pas ici du double-langage poétique, ou des multiples subtilités dont nous sommes capables, avec bonheur, au titre d'une communication fine. Le double langage concerné est une sorte de désinformation qui détourne les signes utilisés dans le langage.

Le double langage est utilisé depuis longtemps dans le cadre de tactiques liées à des stratégies militaires, à des propagandes tactiques où il consiste à dire deux choses différentes (voire contradictoires) a deux groupes différents.

Je rajouterai ultérieurement les liens internes sur le dossier que j'avais mis en ligne sur la Stratégie et l'Art de la guerre de Sunzi/Sun wu.

Dans le cas de l'usage du double langage dans la communication interpersonnelle, l'émetteur s'adresse à une seule personne physique tout en s'adressant à deux entités distinctes à l'intérieur de celle-ci. Il induit cette division de l'esprit ou la consolide quand elle a déjà été intitiée préalablement. Ce double langage peut viser à affirmer ou nier sournoisement une chose sans le dire ouvertement - c'est à dire sans en assumer la responsabilité -, à créer le doute, à menacer indirectement, ... et à induire un comportement chez la personne ciblée, à donner un ordre sans en avoir l'air.

L'injonction paradoxale

L'injonction paradoxale consiste à formuler des attentes ou des ordres contradictoires, et/ou impossibles à réaliser. La nocivité psychologique des injonctions paradoxales (double-bind) a notamment été mise en avant par Gregory Watson (1904 -1980). L'injonction est paradoxale quand les demandes/ordres sont contradictoires ou si leur réalisation ne dépend pas de la volonté de la personne qui la reçoit. Ces doubles contraintes définissent un système de communication paradoxale afin de disqualifier l'autre et dans un cadre dont il ne peut s'échapper. Cette une pratique qui emmure l'esprit et anesthésie la conscience et la capacité de réaction.

Gregory Watson a démontré les conséquences graves de telles pratiques en particulier en se basant sur des cas touchant les enfants. Quand l'enfant est la cible de façon durable d'injonctions paradoxales, de nombreux troubles peuvent se manifester pouvant aller jusqu'à à la folie ; notamment lorsque l'injonction lui demande de croire quelque chose dont il peut constater la fausseté.

Ces trois tactiques linguistiques ont donc toutes en commun au moins plusieurs caractères identiques intrinsèques :

- elles sont à double-entrée

- elles provoque une dissociation de l'esprit

- elles provoquent souvent la léthargie

- elles empêchent la construction de la conscience

- elles appartiennent à la rhétorique du déni

Un autre caractère associé de façon plus ou moins marquée est un langage non-verbal (regards, intonations...) favorisant un climat de doute, de confusion et/ou de danger. Des menaces sont parfois proférées avec cette méthode.

Le déni et la dénégation

Le déni peut-être pratiqué plus ou moins inconsciemment, mais ici nous restons dans un cadre stratégique, donc d'une utilisation délibérée. Le terme exact quand il y a refus de reconnaître la vérité est "dénégation". Mais nous avons tous tendance à utiiser le mot déni dans les deux cas. Le déni ne se borne pas à nier la vérité qu'une personne énonce à une autre, mais il nie la réalité même de l'énonceur, de la personne, par l'imperméabilité à son discours. Les conséquences peuvent ne pas être seulement frustrantes, mais traumatisantes. Si une personne subit de façon répétitive et durable ce déni, cela peut la conduire à l'aliénation et à la perte d'identité.

Avec l'acte de déni, le message renvoyé est : "Tu n'existes pas !"

Il y a une tendance générale dans la société à nier les actes de prédation. Avec la rhétorique du déni se développe aussi tout une rhétorique du pardon. Voir mes commentaires sur l'excellent livre d'Edgar Morin : Éthique.

La négation de la personne et la destruction de son identité font partie des méthodes de lavage de cerveau. En détruisant le sens du langage, que nous appelons aussi langue maternelle - le langage de l'éducation - c'est le processus d'aprentissage, d'éducation qui est détruit, déprogrammé. Cette déprogrammation est mise en oeuvre pour reprogrammer les cerveaux differemment et les rendre réceptifs aux injonctions, en particulier les injonctions paradoxales.

Suite : Quels sont les objectifs de ces pratiques ? >>>

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